Gros appel d’offres du Louvre
Depuis le vol spectaculaire des bijoux de la Couronne le 19 octobre dernier, le plus grand musée du monde est sous le feu des critiques. Notamment dans un rapport de la Cour des comptes qui pointe de graves manquements en matière de gestion de sa sécurité-sûreté.
Tout d’abord, ce document déplore que l’institution ait « privilégié les opérations visibles » – acquisitions et valorisation d’œuvres – au détriment de la maintenance et de la rénovation des équipements, notamment ceux liés à la sûreté et à la sécurité. Rédigé avant le vol, le rapport souligne que la situation ne tient pas à un manque de moyens financiers : le musée affiche en effet une santé économique « robuste », mais souffre d’une mauvaise affectation des ressources.
Ainsi, entre 2018 et 2024, seuls 3 millions d’euros ont été consacrés au schéma directeur de sécurité, sur un budget prévisionnel de 86 millions ! En conséquence de quoi, environ dix ans après un audit de l’INHESJ ayant mis en lumière de multiples failles – absence de plan d’action, dispositifs obsolètes, gestion de crise insuffisante –, le Louvre en était encore au stade des études techniques.
Même constat pour la sécurité incendie puisqu’un schéma directeur lancé en 2004 estimé à 52 millions d’euros n’a été financé qu’à hauteur de 9 % sur la période 2018‑2024.
Pour la Cour des comptes, le vol constitue un « signal d’alarme assourdissant », qui a mis en évidence les retards patents en matière de sécurité. Retards que semblent reconnaître la direction du musée puisqu’elle reconnait qu’il faut moderniser ses systèmes de sécurité. Mieux vaut tard que jamais. D’autant plus que d’importantes faiblesses sont désormais connues de tous : la couverture inégale du réseau de caméras, concentré sur l’aile Napoléon, laissant sans surveillance 60 % des salles Sully et 75 % de l’aile Richelieu. Le parc est certes passé de 294 à 432 caméras entre 2019 et 2024, mais la protection reste lacunaire. Conclusion de la Cour des comptes : le musée a accumulé « un retard considérable » dans la remise aux normes de ses installations techniques.
Un audit en 2018
Plus grave encore. Selon nos confrères du Monde, un audit de sécurité commandé à la direction sûreté de Van Cleef & Arpels en 2018 avait identifié la fenêtre, sur le Quai François Mitterrand par laquelle sont passés les braqueurs, comme l’un des principaux points de vulnérabilité du musée. Ironie : la direction actuelle ignorait l’existence de cette étude avant le vol d’octobre. À l’époque, face à la hausse des braquages autour du palais, la direction de Jean‑Luc Martinez voulait en effet établir un « schéma directeur de sûreté ». L’audit évoquait déjà un balcon exposé, des accès faciles par le sol ou par nacelle, et une zone non couverte par les caméras – autant de failles rappelant étrangement celles exploitées lors du cambriolage…
Appel d’offres de 57 millions d’euros
La direction du musée a donc lancé une sorte de plan d’urgence pour pallier certaines lacunes et faiblesses : création d’un poste de coordinateur sûreté rattaché à la présidence, mise en place d’un comité de pilotage et multiplication des audits. Des dispositifs anti‑bélier et de nouvelles caméras seront installés dans les mois à venir, tandis qu’un centre de cybersécurité doit être créé. Les formations des agents augmenteront de 20 %, sans embauche supplémentaire.
Parallèlement, le Louvre a lancé un très gros appel d’offres fin octobre dont le montant est estimé à 57 millions d’euros, pour des « travaux de mise en sûreté ». Ce chantier vise notamment la galerie d’Apollon, théâtre du vol estimé à 80 millions d’euros. Le projet prévoit une sécurisation périmétrique complète en vidéoprotection, l’installation de caméras thermiques et d’un système d’hypervision centralisé capable d’analyser toutes les images du domaine. Les entreprises sélectionnées devront respecter une stricte clause de confidentialité, particulièrement vis‑à‑vis des médias, afin de préserver la sécurité du site.
Photo d’illustration © Getty Images




