Sécurité privée. Un rapport sur les enjeux économiques du secteur
Fin mai, la mission d’information relative aux enjeux économiques de la sécurité privée, composée députés Jacqueline Maquet (LaREM, Pas-de-Calais) et Dino Cinieri (LR, Loire) (notre photo) a présenté son rapport devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Objectif de ce rapport : proposer un état des lieux économique d’un secteur d’activités, alors que la France s’apprête à accueillir des événements internationaux majeurs (Coupe du Monde de Rugby en 2023 et Jeux Olympiques et Paralympiques en 2024) qui le mettront à forte contribution.
Si les députées soulignent la complexité du secteur et son dynamisme, leur rapport pointe aussi des
difficultés conjoncturelles et structurelles importantes et différentes selon ses segments.
Les difficultés conjoncturelles résultent de l’impact de la crise sanitaire, qui ont plus fortement touché certains de ses segments (événementiel, aérien) que d’autres. 70 % des entreprises déclarent avoir connu une baisse de chiffre d’affaires en 2020, et 50 % déclarent que cette perte a dépassé 15 %. Toutefois, la distribution de cet impact apparait plus éclaté puisqu’à l’issue du premier confinement 42% des professionnels interrogés avaient vu leur activité baisser (en particulier, la sécurité événementielle, les commerces non alimentaires et l’aérien), 45% étaient parvenus à maintenir leur chiffre d’affaire et 13 % avaient même connu une hausse d’activité (demande supplémentaire dans la distribution alimentaire, les établissements de santé, les EHPAD et certains sites tertiaires, industriels et logistiques).
Sécurité électronique : une exception
Des difficultés structurelles plus sectorielles existent également. Elles prennent la forme, par exemple dans le secteur de la surveillance humaine, d’une pression à la baisse des prix et de pratiques de sous-traitance en cascade, avec des conséquences évidentes pour ses agents en termes de précarité. Le transport de fonds et de valeurs fait face, pour sa part, à un marché domestique de taille limitée et au recul du cash qui le conduit à devoir faire évoluer son modèle économique. Enfin, d’autres segments rencontrent des difficultés liées parfois à des lenteurs administratives (protection rapprochée), ou à l’absence de reconnaissance de leur profession (sécurité événementielle) ou de régulation suffisante de celle-ci (recherches privées, surveillance humaine etc.). Seule la sécurité électronique paraît échapper en partie à ces difficultés, en raison de la composante technologique plus importante de son activité et à des leviers de croissance liés au développement des technologies numériques.
- Le secteur en chiffres :
- 12 000 entreprises, dont seulement 3 500 employant plus d’un salarié ;
- 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an ;
- 72% du chiffre d’affaires global porté par les activités de surveillance humaine (13 % par la télésurveillance, 6 à 7 % par la sécurité aéroportuaire ;
- 4 à 5 % de croissance du chiffre d’affaire par an
15 propositions
Les rapporteurs de la mission d’information formulent quinze propositions. Entre autres, il leur semble d’abord important, dans un contexte complexe, que les mesures de soutien mises en œuvre par le Gouvernement soient prolongées autant que possible, en particulier pour les secteurs de la sécurité privée les plus touchés. Il convient donc que les pouvoirs publics restent vigilants aux attentes des professionnels de ce secteur, afin d’éviter une levée trop rapide et préjudiciable de ces mesures.
Les rapporteurs de la mission plaident également en faveur d’un meilleur suivi économique du marché de la sécurité privée, via une coordination renforcée des actions mises en œuvre par les ministères de l’Intérieur et de l’économie, des finances et de la relance. Ils soutiennent aussi la création d’un véritable observatoire économique du marché de la sécurité privée, afin d’établir un consensus sur les chiffres disponibles et d’informer au maximum la décision des pouvoirs publics dans cette matière.
Sur la montée en gamme du marché de la sécurité privée, les rapporteurs considèrent qu’il convient de mobiliser les leviers administratifs et économiques disponibles. Ils souhaitent renforcer l’action de régulation administrative du Cnaps, en augmentant ses moyens dans le cadre du prochain projet de loi de finances. Ils proposent également un certain nombre de mesures économiques, concernant à la fois la qualité de la commande publique, et la poursuite d’une réflexion autour de la mise en place d’une garantie financière. Certaines évolutions réglementaires sectorielles pourraient également être étudiées avec intérêt lors des échanges prévus dans le cadre du Beauvau de la sécurité pour répondre aux attentes des professionnels du secteur et adapter leurs pratiques.
Les rapporteurs de la mission sont aussi vigilants vis-à-vis de la structuration de la filière en vue des événements sportifs à venir. Ce sujet doit être un impératif à court-terme pour les pouvoirs publics. C’est la raison pour laquelle les députés rapporteurs de cette mission souhaitent encourager les acteurs de la sécurité privée à se structurer plus fortement, autour d’une structure commune qui puisse favoriser un dialogue organisé avec les pouvoirs publics. Ils souhaitent également qu’une taskforce soit mise en œuvre pour anticiper les besoins importants d’agents de sécurité sur les deux événements internationaux précités, dans un contexte où les acteurs de la sécurité événementielle ont souffert de la crise sanitaire.
Enfin, ils insistent sur le développement, en France d’une culture de la sécurité, ce qui passe par la construction d’un continuum de sécurité souple et intelligent, la valorisation dans le discours public de cette filière, et, enfin, des initiatives en matière de formation et d’apprentissage.